Auteur du livre «La saga de l’équipe nationale football» paru aux Éditions l’Harmattan Sénégal qu’il présente demain mardi, le journaliste, enseignant-chercheur, Mamadou Koumé raconte à L’Observateur le cœur de l’ouvrage de 260 pages. Du premier match des «Lions» à Bathurst en 1961 au 630e… avec les compositions, les buteurs…
PARUTION – Les raisons d’écrire : «C’est un livre de données, de faits, de chiffres. J’ai constaté quelque chose dans notre travail, nous journalistes, il y a beaucoup d’engouement autour de l’équipe nationale, mais parfois quand les gens donnent les informations, elles ne sont pas souvent complètes ou sujettes à caution. Tu vas interroger un joueur des années 70-80, tu lui demandes combien de matchs il a joué, combien de buts il a marqué, il te donne des chiffres que tu n’es pas à même de recouper parce que tu n’as aucun document. C’est ce qui m’a motivé parce que le cœur de l’ouvrage, c’est des compositions de l’équipe nationale depuis le premier match, en 1961. La fédération n’avait pas ces données sur la période d’avant internet qui va de 1960 à la fin des années 90. Après 2000, on a les infos sur internet. Donc pendant les 40 premières années de l’Equipe nationale, c’était le flou total. Ce que j’ai fait depuis 3 ans, c’est de reconstituer tout cela. Dans ce livre, il y a toutes les sélections du Sénégal dans les grandes compétitions. La première grande compétition à laquelle le Sénégal a participé, c’est les Jeux de l’Amitié de 1961 à Abidjan. L’autre chose que j’ai faite dans ce livre, c’est de dresser les profils de 107 joueurs qui sont pour moi les plus importants des années 60-70. C’est pour faire connaître à la nouvelle génération certains joueurs dont Séga Sakho, «Poulo», le père de El Hadji Diouf, Ndoffène Fall… »
Les difficultés à reconstituer l’histoire : «C’est très compliqué parce qu’il ne faut travailler que sur des journaux, il n’y a pas de document radio encore moins télé. J’ai travaillé principalement sur les journaux : Paris-Dakar, puis Dakar Matin. A partir de 1970 j’ai travaillé avec le Soleil. Le plus difficile c’était parfois, il n’y a pas de compte rendu des matchs. Par exemple, les matchs joués contre le Mali, il a fallu mettre sur le projet quelqu’un au Mali pour me retrouver les compositions des matchs entre les deux équipes. J’ai fait ça dans d’autres pays comme le Bénin, ça n’a pas marché. L’autre difficulté au Sénégal, c’est que les collections ne sont pas complètes. Je suis allé une fois en France, à la bibliothèque François Mitterrand pour avoir des archives. Il y a des matchs pour lesquels on arrive à trouver le résultat, le buteur, mais pas la composition. Mais nos investigations nous disent qu’en tout, l’équipe nationale doit être à 630 matchs. Avec le document que je sors, on peut compter le nombre de matchs que quelqu’un a joués. On peut aussi compter le nombre de buts que chaque joueur a marqués. Henry Camara a joué 98 matchs, c’est certifié qu’il a le plus grand nombre de sélections. Il est aussi le meilleur buteur (31 réalisations).»
Le titre de l’ouvrage : «La Saga de l’équipe nationale de football» parce que je retrace l’histoire, je fais le récit de l’équipe nationale. Le Sénégal a eu son indépendance le 20 août 1960, mais le premier match de l’équipe nationale a été joué un an après, en 1961. La première fois que les gens ont porté le maillot du Sénégal, c’était dans une compétition qu’on appelait la «Coupe Nkrumah», mise en jeu par le chef de l’État du Ghana de l’époque, Kwame Nkrumah. Le Sénégal a joué contre la Gambie qui elle n’était pas encore indépendante. Le premier match a eu lieu le 5 novembre 1961 à Bathurst, c’était le nom de Banjul (capitale de la Gambie). De 1961 jusqu’en 1999, c’est difficile de trouver toutes les informations.»
Les joueurs qui vous ont le plus marqué : «De 1965 à maintenant, je touche du bois, je suis le football sénégalais. 1965 j’étais jeune, mais je suivais le foot par passion. Je suis devenu journaliste en 1976 et là, j’ai vécu les choses. Mais je refuse de comparer les époques parce que ce n’est pas la même chose. Le football de 1960 est différent du football d’aujourd’hui. Il y a un seul domaine où on peut comparer les joueurs, c’est la technique, le talent… Oui il y a des joueurs quand tu les vois jouer…Louis Camara, quelle élégance sur un terrain de football ! Quand on prend un attaquant comme Doudou Diongue, petit, râblé, vif, qui te marquait de ces buts… Matar Niang, c’est sans doute l’un des joueurs les plus doués que j’ai vu. Le gardien de but Toumani Diallo qui venait de la Casamance pour jouer au Foyer France-Sénégal, il était impressionnant. Je pense à un joueur de tête comme Insa Diagne, décédé il y a deux ou trois ans. Il y a des joueurs qui te reste forcément.»
La gouvernance de l’équipe nationale : «J’ai parlé de la gouvernance de l’équipe nationale par les présidents de la République, par les ministres des Sports et par les président des fédérations. On a eu quatre présidents de la République qui se sont occupés de l’équipe nationale. Mais pour moi c’est Léopold Sédar Senghor qui s’est le plus occupé de l’équipe. C’est lui qui est allé voir le plus grand nombre de matchs de l’équipe. Sous le magistère de Senghor, on a parlé plusieurs fois de l’équipe nationale en Conseil des ministres. C’est dire toute l’importance que l’équipe avait pour le président Senghor. Abdoulaye Wade a dégommé le ministre des Sports, Youssou Ndiaye parce que l’équipe ne s’est pas qualifiée pour la Coupe du monde 2006. Macky Sall est allé voir le premier match des Lions lors de la Coupe du monde en Russie en 2018… J’ai parlé aussi des ministres qui ont quitté le gouvernement parce que l’équipe nationale n’a pas eu de résultats. On peut citer Issa Mbaye Samb qui a été débarqué après la Can catastrophique de 2008.
Il y a des présidents de la fédération qui ont été démis à cause de l’équipe nationale. Le plus célèbre d’entre eux, c’est Abdoulaye Fofana, père de l’actuel ministre, Abdou Karim Fofana qui a été obligé de démissionner au lendemain de Caire 86. Il y a d’autres qui ont démissionné parce que le pouvoir politique estimait qu’ils n’ont pas bien géré l’équipe nationale. J’ai donné des exemples comme ça dans le livre.»
La plus grande satisfaction de faire ce travail : «Je n’ai aucune prétention, je travaille dans ce milieu, j’ai constaté qu’on n’avait pas de données sur l’équipe nationale et parfois, nous travaillons de manière aveugle. Ma satisfaction, c’est d’avoir contribué à mettre en place ce document qui est évolutif. C’est un travail qui est appelé à être amélioré parce que je l’ai arrêté au mois d’octobre 2021, sur les buts, les sélections… mais après il y a eu les deux derniers matchs de l’équipe. J’ai précisé ça dans le livre. La satisfaction c’est de mettre à la disposition un document qui doit servir.»
Maderpost / Igfm