C’est non sans douleur, mais avec foi et confiance en Allah, que nous publions le dernier texte du plus grand avocat de la banlieue et non moins patriote, celui qui fut plus qu’un ami, plus qu’un frère, sinon un jumeau, Aly Ba, l’enfant de Pikine, décédé le mardi 26 mai 2020 en Allemagne. Puisse Allah t’accueillir dans son plus beau des jardins. Ci-dessous son dernier papier, consacré comme par hasard à sa … banlieue !
Empowerment, ce mot d’origine anglo-saxonne qui signifie le processus d’affirmation de soi individuel et collectif permettant de s’autoorganiser pour faire valoir ses droits, est exactement ce que la banlieue doit conquérir dans sa lutte contre le covid 19.
Alors que le virus met sous pression le monde entier provoquant des ravages au plan économique et social, une stratégie de choc doit être mise en œuvre en banlieue pour faire face à cette déferlante épidémique. La propagation du virus dans nos banlieues serait une véritable bombe à retardement, dont la déflagration aurait des effets de cataclysme capables de dynamiter l’économie, et de provoquer une profonde détresse sociale.
Certes, la banlieue présente des visages très diversifiés, car chaque quartier a son histoire, ses spécificités, ses traditions.
Les personnes de toutes les professions et de toutes les conditions sociales y ont élu domicile ou en sont originaires. Mais c’est dans les quartiers surpeuplés des zones péri urbaines de nos banlieues que s’entassent dans des logements insalubres, des personnes en situation de précarité, sans contrat de travail ni protection sociale, et s’activant uniquement dans le secteur informel.
Et c’est là où précisément les périls sont les plus élevés, que prévaut une atmosphère générale d’insouciance par rapport aux mesures du couvre-feu et de l’état d’urgence.
C’est là, contre tout bon sens, et en violation du principe de précaution, que se manifestent les attitudes de défiance de jeunes qui piétinent les règles les plus élémentaires de prudence, mettant en danger leurs vies propres et celles de leur voisins.
Le temps dramatique d’une épidémie n’est ni pause récréative ni scène de carnaval. Et en ces moments critiques, les mesures édictées par l’État exigent une application massive et immédiate, en toute rigueur, sans jamais perdre de vue toutefois le registre pédagogique.
Car que peut signifier le confinement pour toutes ces personnes réduites à une économie de survie, obligées de gagner leur vie au jour le jour, au prix de déplacements incessants, si les réponses sanitaires à la crise ne sont pas couplées à des réponses économiques et sociales?
L’ urgence commande de promouvoir, dans la lutte contre la pandémie, une citoyenneté active pour inventer des politiques urbaines nouvelles fondées sur les règles de la justice, de la sociabilité et de l’efficacité.
L’heure est à la riposte pour combattre également contre le déséquilibre des territoires et assurer un service plus équitable aux services publics en palliant à la fois au dramatique sous équipement, aux déficiences du service de ramassage des déchets, et aux phénomènes massifs de décrochage scolaire.
L’heure donc d’une requalification de nos banlieues qui conjugue le développement des capacités d’aménagement urbain à l’amélioration des habitats des quartiers primaires pour apporter les réponses appropriées, en termes d’amélioration de l’espace public, de rénovation des bâtiments, et de développement de milieux de vie de qualité .
Le contexte de guerre contre la pandémie exige de nous, ressortissants de la banlieue, génie et adaptabilité pour réorienter le système économique, en faveur de ses véritables acteurs (commerçants, artisans, ouvriers) en favorisant par exemple un tissu de petites unités économiques ou d’entreprise de taille moyenne.
Il faut aussi impérativement accélérer la digitalisation de l’économie.
Ce cap difficile de la pandémie ne saurait toutefois être surmontée sans l’émergence d’une conscience citoyenne qui permette de transformer chaque habitant des quartiers en acteur de la société civile locale, dans le développement du communautarisme civique.
Cela signifie la mobilisation générale des populations pour améliorer l’habitat au travers de l’épargne solidaire, de la fabrique de briqueterie, de la construction d’aires de jeu, de l’aménagement de corridors naturels.
Les circonstances imposent de mettre tout le monde à pied d’œuvre pour raffermir notre puissance d’organisation et de résilience en vue de l’érection d’ un véritable bouclier social afin de revitaliser notre économie et de protéger notre écosystème social.
De l’empowerment en acte, c’est à dire un apprentissage à l’action collective par les habitants pour résoudre eux- mêmes les problèmes de leurs quartiers.
C’est par et à travers l’empowerment, c’est à dire l’autonomie et la capacité d’initiative pour la coopération permanente entre la société et l’Etat, que nous pouvons redonner un sens actif au mot solidarité.
Que la banlieue soit le laboratoire pour aider la banlieue, avec les moyens et les ressources de ses habitants, telle devra être notre réponse collective, à la pandémie. Il n’y a pas de délit d’adresse.
Aly BA
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