Une étude publiée par The Lancet Psychiatry mercredi 7 avril suggère que les séquelles neurologiques et psychiatriques du Covid sont nombreuses et sérieuses. Le magazine Marianne visité vendredi par Maderpost a fait le point sur ce que l’on sait des séquelles à long terme de la maladie, qui concerneraient au moins 10% des maladies et près des trois quarts des patients hospitalisés. Par Par Lucas Person CORONAVIRUS – Contrairement à l’idée reçue, le Covid ne touche pas uniquement les poumons. Et il ne s’arrête pas toujours à la sortie de l’hôpital ou quelques jours après l’infection. D’après les premières études réalisées en France et à l’étranger, entre 10 et 25 % des malades du Covid continueraient de souffrir de certains symptômes plusieurs mois après avoir contracté la maladie. Pour ceux qui sont passés par l’hôpital, la proportion est bien plus importante, avec près de 3 patients sur 4 selon une étude menée à l’hôpital de Wuhan par The Lancet. Et une nouvelle étude parue dans cette même revue ce mercredi 7 avril laisse à penser que les séquelles neurologiques et psychiatriques sur le long terme ne doivent pas être sous-estimées. Les séquelles du coma artificiel : perte de poids et de masse musculaire
Les conséquences d’un passage en réanimation avec coma artificiel sont connues depuis longtemps mais, avec la pandémie, elles prennent une présence nouvelle dans la société.
Au premier chef, la perte de poids et de masse musculaire due à l’hyper-métabolisme du corps pendant la période de coma artificiel. À sa sortie d’hôpital, le patient devra reprendre des forces, s’alimenter et bénéficier de rééducation pour parfois réapprendre à marcher, se déplacer, faire des gestes simples du quotidien.
Fatigues cardiaques et pulmonairesChez une proportion significative des malades atteints du Covid, des symptômes cardiaques et pulmonaires perdurent plusieurs semaines voire plusieurs mois après la maladie : diverses douleurs poitrinaires peuvent être le signe de myocardites, de troubles du rythme cardiaque, de fibroses pulmonaires ou de l’apparition d’un asthme chez des patients qui n’en avait jamais souffert…
En cause : selon une étude de la revue Jama menée à l’Hôpital du Bicêtre, à la fois l’invasion des tissus par le coronavirus, l’hypercoagulation causée par les formes graves du Covid et la réponse immunitaire causant des inflammations, dont l’intensité diffère fortement d’un individu à l’autre.
Ces séquelles engendrent une grande fatigue et mettent les patients dans la nécessité de reprendre leur souffle à chaque petit effort, rendant la vie quotidienne très difficile et impliquant souvent des arrêts de travail pour maladie de longue durée.
« Les symptômes du Covid long sont extrêmement divers », nous explique le professeur Dominique Salmon-Céron, qui reçoit à l’Hôtel-Dieu des patients subissant ces symptômes du Covid persistant : « fatigue extrême, signes neurologiques, baisse de la capacité intellectuelle et de la mémoire, symptômes pulmonaires, essoufflement, toux, palpitations ou, moins fréquemment, troubles digestifs ou cutanés. »
Un Covid persistant qui touche des individus sans prédispositions particulières : « Trois mois après l’infection, cela représente environ 10 % des patients : en majorité, des patients assez jeunes et avec une surreprésentation des femmes », explique ainsi le professeur Dominique Salmon-Céron, qui distingue néanmoins les séquelles pulmonaires des autres : « Nous commençons à avoir les premiers retours d’un an après l’infection et on constate que les symptômes pulmonaires s’estompent. Ce qui n’est pas le cas d’autres symptômes, comme la fatigue ou les séquelles de type neurologique… »
Neurologie et psychiatrie : les séquelles inattenduesAu cœur de l’inquiétude des médecins, on observe des séquelles neurologiques que l’on n’attendrait pas au premier abord d’un virus que l’on se représente comme s’attaquant aux poumons.
« Les symptômes du Covid long sont très caractéristiques et assimilables à un dysfonctionnement subtil du cerveau », poursuit le professeur Dominique Salmon-Céron, qui classe ces symptômes en trois catégories : « Les troubles de l’attention et de la concentration, avec réactions ralenties, difficulté à maintenir son attention pendant longtemps ou à résoudre des calculs simples ; les troubles de mémoire immédiate (avec des patients qui peuvent, par exemple, oublier leurs clefs sur la serrure ou ne plus se souvenir de la raison pour laquelle ils sont sortis) ; et enfin les troubles sensoriels, comme des sensations de brûlures ou des maux de tête. Cela ressemble au symptôme de la fatigue chronique, que l’on observe après d’autres infections virales, mais avec des manifestations plus sévères et plus variées. »
À ces troubles de l’attention, s’ajoutent des conséquences psychiatriques. Une étude publiée ce mercredi 7 avril dans la revue spécialisée The Lancet estime qu’un patient sur trois ayant surmonté le Covid-19 souffrirait plusieurs mois après de séquelles psychiatriques ou neurologiques. L’anxiété et les troubles de l’humeur sont les diagnostics les plus fréquents, avec respectivement 17 % et 14 % des patients.
Cette augmentation des troubles psychiatriques est-elle une conséquence directe du Covid ou bien un corollaire des situations extrêmement anxieuses que vivent les patients et leur famille ? « Une dépression n’est jamais pensée comme une seule cause amenant une seule conséquence : il s’agit d’une succession de petits et de grands facteurs », nous prévient le docteur Anne Sénéquier, psychiatre et directrice de l’Observatoire mondial de la santé à l’IRIS.
« Mais l’étude du Lancet propose plusieurs pistes d’hypothèse montrant que le virus favorise l’émergence de ces troubles psychiatriques : l’invasion virale du système nerveux central, l’état d’hypercoagulation et les effets neurologiques d’une réponse immunitaire longue et importante sont autant de conséquences neurologiques du virus qui ont une influence directe sur la psyché des patients. »
Les résultats du Lancet montrent en effet que les patients passés par des services de réanimation sont plus propices à développer des troubles psychiatriques.
Ces troubles neurologiques et psychiatriques pourraient également être favorisés par une persistance du virus à l’intérieur du système nerveux après la guérison : « pour l’instant, nous ne pouvons faire que des hypothèses », tempère le professeur Dominique Salmon-Cébron. « Mais l’une des hypothèses qui me semblent le plus intéressantes est que le virus pourrait persister au niveau des bulbes olfactifs, ce qui a été démontré chez l’animal. »
L’étude du Lancet souligne aussi des risques d’hémorragies cérébrales, d’accidents vasculaires cérébraux (y compris chez des patients jeunes sans prédispositions) et de démence.
En novembre dernier, un article de la revue Stroke de l’American Heart Association évoquait déjà ce risque accru d’AVC en montrant que le coronavirus pouvait se déplacer en s’accrochant à une molécule nommée ACE2 qui, dans les cellules endothéliales du cerveau, participe à son apparition.
Maladie de Parkinson et syndrome de Guillain-Barré : peu de certitudeL’étude du Lancet relève également que quelques cas de maladie de Parkinson ont été déclarés, mais que le nombre est trop peu élevé pour que l’on puisse attribuer le développement de la maladie au Covid avec certitude.
L’étude laisse également en suspens le cas du syndrome de Guillain-Barré, syndrome dans lequel le système immunitaire attaque une partie du système nerveux périphérique, entraînant des sensations de faiblesse musculaire et la perte de sensation dans les jambes et les bras.
Les chiffres relevés par le Lancet signalent en effet que le nombre de syndromes de Guillain-Barré suivant le Covid est plus important que pour d’autres maladies respiratoires mais pas plus importantes que pour la grippe.