RESEAUX SOCIAUX – Après son coup de force en Australie, le géant américain s’explique. Dans un post de blog publié mercredi par le vice-président chargé de la communication, Nick Clegg, Facebook annonce vouloir investir dans les contenus d’actualité. «Le journalisme de qualité est crucial au fonctionnement de nos sociétés», concède-t-il.
L’entreprise a déjà investi «600 millions de dollars depuis 2018 pour soutenir l’industrie de la presse». Elle prévoit d’injecter «au moins un milliard supplémentaire dans les trois prochaines années», sans préciser sous quelle forme.
La communication intervient le lendemain de l’annonce d’un compromis dans le conflit l’opposant au gouvernement australien. Le pays discutait d’une proposition de loi présentant un cadre législatif pour réguler la relation de Google et Facebook avec les éditeurs de presse.
«Menace imminente d’un arbitrage»
Pour protester, Facebook avait décidé mercredi dernier de bloquer toute possibilité de partager des contenus d’actualité pendant plusieurs jours dans le pays. Cette opération de force, qui avait suscité de vives réactions, lui a évité un précédent au profit d’accords indépendants. Cela lui a permis de discuter des montants à investir, «sans la menace imminente d’un arbitrage lourd et imprévisible», argumente Nick Clegg. La loi australienne a été votée jeudi matin par le parlement mais ne s’appliquera qu’en tant que sanction si Facebook ne parvient pas à présenter dans les deux mois des accords noués avec les groupes de presse et présentant des «contributions significatives à [leur] viabilité».
«C’est compréhensible que certains groupes de presse perçoivent Facebook comme une source potentielle de revenus pour pallier leurs pertes, mais doivent-ils pour autant être autorisés à demander un chèque en blanc ?» argumente Nick Clegg, par ailleurs député britannique. Certes, l’arrivée d’Internet a provoqué une révolution pour la presse. Certes, la puissance des grandes plateformes suscite des interrogations légitimes. Mais les tentatives de régulation par les Etats remettent en question le principe fondateur d’Internet et «la liberté des gens de s’exprimer et des entrepreneurs d’innover», fait-il valoir.
Partager les revenus de la publicité
Facebook se dit donc prêt à collaborer pour «maintenir le journalisme durable». Pour autant, «ce sont les éditeurs eux-mêmes qui choisissent de partager leurs contenus sur les réseaux sociaux […] car ils en tirent profit» en diffusant plus largement leurs contenus, renvoyant ainsi vers leur site, argumente Nick Clegg. En Australie, le réseau social a mis en lumière la place prépondérante qu’il occupe dans la circulation de l’information.
Des pages institutionnelles et d’associations caritatives australiennes avaient aussi été bloquées «par inadvertance», reconnaît Nick Clegg : «Il était légalement nécessaire de le faire avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, et nous avons donc commis une erreur de surapplication.»
Le rapport de force est donc loin d’être équilibré : les plateformes de partage de contenus sont accusées depuis des années de monopoliser les revenus de la publicité au détriment du secteur de la presse, déjà en grande difficulté. De leur côté, les gouvernements sont de plus en plus enclins à contraindre Facebook, Google et d’autres plateformes à rémunérer les médias lorsque des contenus journalistiques y sont partagés.
La loi australienne permettra-t-elle d’aiguiller d’autres pays ? Si l’UE a déjà créé en 2019 un «droit voisin» aux éditeurs de presse, la Commission européenne a présenté en décembre deux projets de directives pour renforcer la régulation des plateformes. Mardi, le Premier ministre canadien a semblé s’intéresser à l’idée.
Lors d’un entretien avec son homologue australien, Justin Trudeau a déclaré que les deux pays allaient «continuer de coordonner leur travail visant à lutter contre les préjudices en ligne et à s’assurer que les revenus des géants du Web sont partagés plus équitablement avec les créateurs et les médias».
Maderpost/ LIBERATION