L’ouvrage de 500 pages de Thierno Alassane Sall, «Le protocole de L’Elysée», surfe entre la mer agitée de la confession et la douce colère. C’est la confession ou les confidences d’un ancien ministre sénégalais, d’un homme politique qui rend des comptes, épluche des faits, inventorie ses actes et qui livre ses doutes et ses appréhensions face à un système redoutable de prébendes, de magouilles, de prévarications… Par Mor Talla GAYE C’est une colère légitime ou pas, c’est selon d’un citoyen, devenu cadre, puis ministre de la République, qui explorant les coulisses d’un régime, ses secrets, ses mensonges, ses sms, se surprend à affronter la terreur d’un système qui ne lui a pas laissé le choix de se taire, de se nourrir après sa démission du 2 mai 2017 du ministère de l’Energie de son devoir de réserve. Puisque l’Etat raconte-t-il dés la première page du livre, a fait divulguer des faits particulièrement graves. Puisque «le 27 mai 2017, un journal Le Quotidien livra une synthèse du rapport 95/2012 de l’Inspection générale d’Etat (IGE) portant sur les permis de recherche d’hydrocarbures attribués à Petro-Tim(…) la divulgation de ce rapport eut sur moi l’impact d’un tremblement de terre de magnitude exceptionnelle. Alors que lui ministre ne l’a jamais su». Il découvrit, pour la première fois, l’existence d’une mission conduite cinq ans auparavant par un corps d’élite en matière d’audit des entités administratives sur ordre du Président de la République et tutti quanti. Il ne s’agit pas dans ce livre de secrets d’Etat divulgués (en matière de ressources pétrolières, il n y a plus de secrets les ressources appartiennent au peuple depuis le référendum de Macky de 2016), de promesses trahies, de colères refoulées, mais ce livre nous interpelle sur nos rapports avec nous-mêmes, sur le miroir de nos actes, nos consciences interpellées par la vérité d’un homme qui pouvait se contenter de bénéficier encore des avantages d’un pouvoir qui offre toutes les aisances matérielles à une résistance face aux valeurs, face à l’éthique chevillée au corps d’un homme qu’on a voulu présenter comme un obstiné, une tête brûlée qui ne fait pas de contorsions avec ses convictions. «Lorsque se taire participe à trahir le pays. Parler devient un impératif», écrit l’auteur. Ce livre met à nu le système de nos gouvernants de Me Wade à Macky Sall. Un système où les courtisans concurrencent les militants, où les fidélités, le favoritisme priment sur l’éthique, l’argent mal acquis justifie toutes les bassesses… Mais quand l’auteur Thierno Alassane Sall fait part de tout cela, c’est l’homme politique qui parle: avec le langage qui va avec, la part d’angélisme et de promesses des bonnes fleurs qui escortent ses arguments. C’est là où se trouve le piège. Parce que Thierno Alassane Sall n’est pas un homme parfait. Un redresseur de torts descendu ex-nihilo ou venu de la cuisse de Jupiter pour d’une baguette magique changée le Sénégal de ses oripeaux dégradants. Ce livre commence par Me Wade et son élément hors du commun Farba Senghor, en égratignant subtilement Idrissa Seck qu’il ne cite pas. Mais, il dit quand Wade et les siens pensaient que l’Asecna disposaient de coffres regorgeant de liquidités, ce qui aiguisait leur appétit au point de menacer la survie d’une communauté de 17 Etats africains, en plus de la France. Étaient en jeu, non pas des principes mais dirait un ancien Premier ministre de Wade «le partage d’un butin». Bien sûr, l’allusion est faite à Idrissa Seck, terminant l’ouvrage avec Macky Sall. Dans sa tirade pour parler de ses confidences d’un ancien Premier ministre, l’auteur pouvait nous épargner les cours d’histoire sur le Sénégal indépendant (voire chapitre ceux qui dirent non à l’indépendance, page 77)…C’est dans le chapitre A nouveau l’Espoir (page 118) que l’on lit toute la déception de l’auteur qui fondait de réels espoirs en Macky, le Président qui se prit par la suite pour un demi-dieu, regrette l’auteur ses reniements. Dans son ouvrage, la presse n’est pas épargnée par les diatribes de TAS. Puisqu’il raconte que l’entourage proche de Macky Sall grouille d’un nombre de journalistes à faire saliver la rédaction de n’importe quel organe de presse du Sénégal. Tout ce beau monde fait partie du lobby orchestré depuis le palais pour surveiller la presse, l’inonder d’informations favorables ou désamorcer les investigations toxiques(…) certains journalistes se sont défroqués avec l’accession de Macky Sall au pouvoir (pages124-125). L’auteur a été estomaqué par le partage de l’hyène à l’Artp, le népotisme ambiant, bien sûr on pourra discuter de la longueur de ses chapitres de 136 à 184 pages. Même si le livre respecte la chronologie des événements, rien n’empêchait à l’auteur de commencer par les parties les plus actuelles, récentes du livre qui part de sa nomination au poste de ministre des Infrastructures et des Transports (page 204) à la fin au traité au palais de l’ancien gouverneur(page 443). Au ministère de l’Energie, après 6 mois à la tête du ministère il trouve que c’est un miracle qu’il reste encore au poste tant les divergences de vue avec le Président sont grandes… Dans ce chapitre il détaille tout le processus, l’implication du Président de la République qui au nom d’une nouvelle religion nommée « Urgence » fait avaliser à ses ouailles tous ses désirs. L’auteur y dénonce « les tarifs léonins qui trouvent leurs origines dans la manière dont les marchés ont été « noués »ou encore l’opérateur qui « à l’image d’un baron dans sa seigneurie » baptise l’autoroute de son propre nom de famille Senac, non sans se comporter comme à l’époque où les seigneurs faisaient payer, suivant leur seul bon vouloir, l’usage des voies dans leur fiefs ». C’est à la page 290 du livre que l’on sent suinter le plaidoyer de l’auteur pour un changement de paradigme. Quand Thierno dit: « l’engagement politique désintéressé est rendu difficile par l’indigence généralisée qui fragilise l’introuvable classe moyenne. Un rien peut plonger dans une impécuniosité durable des personnes habituées à un confort relatif. Les actifs, particulièrement les salariés portent sur leurs épaules trois générations, leurs vieux parents, leurs enfants et eux-mêmes. L’incurie des services publics d’enseignement, de santé, de sécurité etc. les oblige à recourir à des prestations privées onéreuses. La rareté de l’emploi pousse les parents à rechercher des connexions dans le monde politique pour caser leur progéniture. Les politiques qui ont une grande part de responsabilité dans cette précarité globale, exploitent les faiblesses des populations pour mieux les enserrer dans les mailles de la dépendance. Un homme politique qui a connu les salaires confortables, des voitures officielles, des voyages en business classe et de la relative accalmie dans les tracasseries quotidiennes y renonce difficilement.» Tout est dit. Puis, s’ouvrirent à travers les pages du livre, les révélations sur l’affaire Timis, son rôle de vigie et de protecteur des ressources qui a manqué parfois de tact comme ce fut le cas avec le vice-président de Total, à qui il a carrément cloué le bec en raison de sa condescendance. L’auteur estime que Cosmos avait fait une offre de bonus de 25 millions de dollars et Total 5 millions de dollars. Mieux il ne s’arrête pas pour faire une comparaison, il développe sur les arguments contestables du Président de la République arguant de l’aide de la France au lendemain de sa prise de pouvoir avec les aides cumulées de Nicolas Sarkozy, François Hollande…de nos relations historiques avec l’ancienne colonie etc. L’enseignement que l’auteur tire des affaires Petro-tim et Total, c’est que ces scandales ne renseignent pas seulement sur la corruption d’un système mais le renoncement d’une partie des intellectuels et de la société civile. Il déplore que la poursuite du bonheur individuel et de la réalisation personnelle ait pris le pas sur les grands idéaux qui font d’une foule un peuple, d’un peuple une nation. Certains se demandent en toute légitimité si l’auteur ne cherche pas à redorer son blason? Veut-il mener des combats à la Sonko pour gagner la sympathie des Sénégalais? Des questions qui chantent plus qu’elles ne parlent. Le livre de Thierno Alassane Sall invite chaque sénégalais en tout cas à faire face devant son miroir, tout en usant de bonne foi et s’armant d’une once de vérité avec la conscience tranquille de servir le peuple et faire abstraction de ses intérêts parfois les plus vils. Le livre ouvre le débat par les idées. Je ne partage pas tout le contenu du livre. Mais je salue la prééminence des idées développées par l’auteur son désintérêt des choses matérielles. Plein succès. ]]>
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