Déjà présent au Ghana et en Égypte, le consortium pétrogazier russe Lukoil débarque au Sénégal après avoir racheté les actifs de l’anglaise Cairn Energy pour la somme d’environ 400 millions de dollars. Un pied dans la place ? Sans doute, mais le Sénégal entend «évaluer l’opportunité économique, stratégique et financière de cette cession».
PETROLE – Le géant russe Lukoil sera probablement dans le groupe des compagnies mondiales qui donneront au Sénégal ses premiers barils de pétrole, après plusieurs décennies d’attente. D’un coup, il va acquérir à la bourse de Londres les 40% des actifs jusque-là détenus par le groupe pétrolier Cairn Energy dans le champ pétrolier sénégalais RSSD (Rufisque Offshore, Sangomar Offshore et Sangomar Offshore Profond), a annoncé le 27 juillet le ministère sénégalais du Pétrole et des Énergies.
Le groupe pétrolier britannique Cairn Energy qui détient 40% dans le projet pétrolier sénégalais, va céder ses obligations et intérêts au russe @lukoilrus. #Senegal #kebetu https://t.co/anvaCFAldf
— Intelligencesmag (@IntelligencesM) July 28, 2020
«Les cessions et acquisitions d’actifs pétroliers sont des pratiques courantes dans l’industrie pétrolière. Elles permettent aux compagnies d’ajuster leurs stratégies d’investissements et d’assurer la gestion de leurs portefeuilles», écrit le ministère dans un communiqué reçu par Sputnik.
Sur son site Internet, Cairn Energy indique que la transaction avec Lukoil va atteindre, selon l’accord conclu, «un montant en espèces de 400 millions de dollars [≃340 millions d’euros, nldr] […] plus le remboursement des dépenses d’investissement de développement engagées depuis le 1er janvier 2020.»
Ticket d’entrée pour Lukoil au Sénégal : 400 millions de dollars
Au moins 250 millions de dollars seront distribués aux actionnaires au dernier trimestre de l’année 2020, ajoute la compagnie britannique.
«Nos découvertes ont été les premiers puits en eau profonde du pays. Elles ont ouvert une nouvelle zone de bassin sur la marge atlantique. De plus, elles ont permis de jeter les bases du premier développement pétrolier et gazier du Sénégal, qui apportera des avantages durables à la population», a réagi Simon Thomson, le directeur général de la compagnie, dans un communiqué publié sur le site de Cairn Energy.
La mobilité des actionnariats au sein des consortiums engagés dans l’exploration-exploitation des hydrocarbures dans les blocs pétrogaziers sénégalais ne semble pas prête de prendre fin, analyse pour Sputnik Bachir Dramé, directeur de la communication de Petrosen, la société d’État qui gère les participations du Sénégal.
«Ça va encore continuer. Si les grandes compagnies sont souvent présentes sur toute la chaîne de valeurs industrielle, de l’exploration à la l’exploitation, d’autres de moindre envergure comme les “juniors” et les indépendants peuvent ne s’intéresser qu’à l’exploration, par exemple. Les acteurs sont tous dans des stratégies internes qui tiennent compte des orientations fixées par leurs actionnaires.»
Les champs pétroliers RSSD sont une joint-venture composée des australiennes Woodside Energy (35%) et Far RSSD (15%), de l’anglaise Cairn Energy (40%) et de la sénégalaise Petrosen (10%). En janvier dernier, elles avaient adopté une «décision finale d’investissement […] actuellement en pleine phase d’exécution pour un début de production en 2023». Mais depuis juin 2020, FAR RSSD est l’objet d’une suspension par l’opérateur principal Woodside pour «manquements à ses obligations.»
«Petrosen évaluera l’opportunité stratégique, économique et financière de cette cession» de Cairn Energy à Lukoil, souligne le ministère sénégalais du Pétrole et des Énergies.
Dans cette transaction entre Cairn Energy et Lukoil, l’État du Sénégal n’a pas encore dit son dernier mot et rappelle qu’il dispose «d’un droit de préemption au même titre que les autres membres de la joint-venture, conformément aux stipulations de l’Accord d’Association.».
Une implantation suspendue à la décision du Sénégal
La «défaillance» de FAR RSSD est encore fraîche dans ses mémoires.
«Avec le confinement à l’échelle mondiale et la fermeture des frontières entre pays, l’impact de la pandémie du coronavirus a certes retardé des projets pétroliers ou gaziers sur certaines phases. Mais il y a eu réajustement par la suite», analyse Bachir Dramé.
Fondé en 1991, Lukoil est un consortium d’État russe spécialisé dans le gaz, le pétrole et les activités annexes comme le raffinage. Privatisé à partir du milieu des années 1990, le géant russe s’est ouvert à l’actionnariat international en accueillant la compagnie américaine Conoco Philipps. Hors de Russie, elle est notamment présente en Égypte et au Ghana, en Iran et en Irak, en Colombie et au Venezuela. En 2019, elle a réalisé un chiffre d’affaires de près de 106 milliards de dollars.
Maderpost / Sputnik