Le Sénégal va opérer un tournant historique si l’on en croit le ministre de l’Economie Amadou Hott qui a décliné dans les colonnes du quotidien gouvernemental Le Soleil de ce lundi les termes du plan de relance de l’économie qui veut désormais être axée sur le génie et la production nationale.
ECONOMIE – Le Covid-19, qui a fait 26 morts selon le dernier bilan présenté dimanche 17 mai, a au moins le mérite d’ouvrir enfin les yeux des autorités sénégalaises et en particulier ceux du chef de l’Etat qui avait plutôt le nez dans le guidon, se contentant d’un stéréotype jusqu’ici galvaudé et tranchant véritablement de la ligne directrice qu’opèrent toute société et economie aspirant au développement économique et progrès social réels.
Enfin, laissé en rade par pratiquement tous les régimes précédents malgré la réputation reconnue des facultés de médecine et de pharmacie de l’Université Cheikh Anta Diop et la notoriété des médecins sénégalais, le secteur médical va connaître une transformation avec le développement de son plateau médical et la présentation nouvelle d’une véritable offre médicale multidisciplinaire destinée aussi bien aux Sénégalais qu’aux étrangers qui décideront de prendre leur soin au Sénégal.
Du moins, c’est ce que l’on pourrait espérer à la lecture des propos du ministre Hott dans Le Soleil. “L’État va revisiter tous les objectifs et résultats attendus de la phase II du Pse afin de renforcer la souveraineté sanitaire et alimentaire ainsi que l’industrialisation”. Une accélération si l’on puit dire du PSE dont l’objectif pourrait faire du Sénégal un hub médical. Ce qui accroîtrait les chances d’une véritable offre du tourisme médical dont le Maroc s’est fait le champion en Afrique du Nord.
Il convient toutefois de noter que des chefs d’Etat ouest-africains avaient échangé le 23 avril là travers une visio-conférence, lors d’un sommet extraordinaire de la CEDEAO sur la pandémie du coronavirus. Et il était question de prévention et de mesures d’accompagnement socio-économiques, avec un appel aux chefs des États membres de la CEDEAO à mettre au pot commun du fonds de l’UA, et à renforcer la coopération entre le CDC et l’OOAS.
Présent à cette visio-conférence, le Président Sall, s’était engagé avec ses pairs présents à allouer au moins 15 % de leur budget annuel à la santé, pour enfin tenir la promesse faite en 2014 face à Ebola.
L’on peut donc aussi croire que le changement de paradigme souhaité par Macky Sall dans le secteur médical découle de cet ré-engagement dont le premier n’avait pas été respecté avec l’ébola en dépit de la menace annoncée de nouvelle pandémie. Le Président Sall aura-t-il enfin compris l’urgence pour le Sénégal d’avoir un système médical de pointe aussi bien pour la santé de ses populations que pour l’économie médicale ?
Ce n’est pas seulement dans le volet médical que l’administration Macky Sall va mettre l’accent. Hott soutient que le président de la République tient à l’accroissement des investissements propres avec des liens plus soudés avec le secteur privé.
“Le Sénégal va, désormais, mettre l’accent sur des investissements propres, nouera plus de partenariats privés avec le secteur privé et mettra en place des mécanismes pour un meilleur accès des entreprises au financement.”, dit le ministre, sans donner plus de détail.
Faut-il croire que le gouvernement va appuyer les banques nationales à capitaux sénégalais pour un accès rapide et sécurisé des emprunts bancaires ? Ou est-ce alors des appuis conséquents du gouvernement au secteur, inspirés du bon vieux plan Marshall américain ? Encore faudrait-il savoir que pour se faire, les Américains ont imprimé avec leur planche à billet à volonté des stocks de dollars grâce à leur souveraineté monétaire. Ce qui est loin d’être le cas pour le Sénégal qui évolue dans un cadre d’union monétaire étroitement surveillée et sous la coupe réglée du Trésor français.
Beaucoup de questions restent en suspens. Mais si les dires du ministre relèvent d’une ambition et d’une détermination certaines du pouvoir, le secteur privé qui occupe moins de 40% de l’activité économique peut espérer le renouveau par le changement de paradigme annoncé par le ministre Hott.
L’autre question importante reste le secteur de l’économie informelle estimée à plus de 90% de l’activité globale. Qu’en sera-t-il ? Quel plan les autorités comptent-elles dérouler pour faire migrer ce secteur vers le formel ou un cadre à mi-chemin ?
L’annonce de Hott ne manquera pas de plaire, reste à voir si l’administration Macky Sall a les coudées franches pour un tel changement de paradigme et surtout savoir avec quel partenaire elle entamera un tel tournant et à quel prix ?
Maderpost / Charles FAYE