Un pays menace en effet de tout faire dérailler: le Mexique, qui a quitté la table des négociations sans donner son feu vert. Ses responsables politiques tentent de limiter l’impact sur leur production nationale, refusant de l’abaisser de 23%, comme tous les autres membres de la coalition.
Cela représenterait une coupe de 400.000 barils par jour. Le Mexique demande de la réduire à seulement 100.000 barils, tout en partant d’un niveau de production plus élevé que son niveau réel. Ce qui lui permettrait, en réalité, de pomper autant de pétrole qu’aujourd’hui.
Le pays, qui fait partie des dix alliés de l’Opep, représente moins de 2% de la production mondiale. Sous l’impulsion de son nouveau président, Andrés Manuel López Obrador, il s’est engagé dans une politique pétrolière expansionniste, prévoyant notamment de doubler le nombre de puits en activité.
Une stratégie que le chef d’Etat n’entend pas abandonner malgré la crise que traverse le secteur. Plusieurs membres de l’Opep+ proposent désormais d’avancer sans le Mexique, mais l’Arabie saoudite insiste pour qu’il participe, lui aussi, à l’effort collectif, rapporte le site spécialisé EnergyIntel.
L’accord prévoit une baisse de l’offre de 10 millions de barils par jour, soit environ 10% de la production mondiale. La moitié de ces coupes doivent être réalisées par l’Arabie saoudite et la Russie, les deux plus gros producteurs de l’Opep+.
Le reste doit être réparti proportionnellement entre les autres pays membres de l’entente.
Cette diminution de l’offre doit entrer en vigueur début mai et se prolonger jusqu’à fin juin. Ensuite, la baisse de la production ne sera plus que 8 millions de barils jusqu’à la fin de l’année. Puis de 6 millions de barils entre janvier 2021 et fin avril 2022.
Double choc
Cet accord intervient un mois après l’échec des précédentes négociations, face au refus de la Russie de moins pomper de pétrole. Un refus qui avait suscité la colère de l’Arabie saoudite, qui avait alors immédiatement riposté en baissant ses prix et en inondant le marché de son brut bon marché.
Déjà pénalisés par le ralentissement brutal de l’activité économique – et donc de la demande en pétrole -, les cours avaient alors plongé, retombant à 20 dollars, leur plus bas niveau depuis le début des années 2000. Début janvier, ils évoluaient encore au-delà des 65 dollars.
Face à ce double choc, d’offre et de demande, il était “urgent de réagir”, souligne Herman Wang, spécialiste de l’Opep et du Moyen-Orient chez S&P Global Platts.
Un baril à 20 dollars se traduit en effet par des conséquences potentiellement dramatiques pour les pays producteurs, en particulier pour les pays émergents, comme l’Algérie, le Nigéria, l’Irak ou encore le Venezuela, dont le budget repose grandement sur les recettes liées au pétrole.
Même l’Arabie saoudite et la Russie ne peuvent pas résister très longtemps, sous peine de faire exploser leurs déficits publics.
Demande en berne, offre abondante: le secteur pétrolier pourrait, en outre, bientôt connaître une autre crise, celle du stockage. L’importante surproduction réduit quotidiennement les capacités restantes. “Lorsqu’elles seront pleines, le pétrole produit n’aura plus nulle part où aller, indique Herman Wang. Cela serait un désastre pour le secteur. De nombreux sites devront cesser de produire et de nombreuses compagnies pétrolières feront faillite”. Dans certaines régions, ce scénario pourrait également se traduire par des prix négatifs pour le brut.
“Trop tôt, trop tard”
La coalition espère porter les coupes de production à 15 millions de barils par jour, en demandant aux autres pays producteurs de participer à hauteur de 5 millions de barils. Des discussions doivent se ternir dans le cadre de la réunion, ce vendredi, des ministres de l’Energie du G20.
Mais la mise en place de l’accord trouvé par l’Opep+ n’est pas conditionnée au soutien des Etats-Unis, du Canada, du Brésil ou encore de la Norvège. Un élément important, alors que la Russie avait prévenu qu’elle n’accepterait pas de baisser sa production si ces pays n’étaient pas concernés.
En outre, Moscou semble également avoir accepté que les Etats-Unis ne prennent pas d’objectifs chiffrés, en l’absence de mécanisme légal, à l’échelle nationale, pour imposer aux groupes pétroliers de réduire leurs forages.
A la place, la contribution américaine sera mesurée par la baisse “automatique” de la production liée à la fermeture d’une centaine de puits de pétrole de schiste, devenus beaucoup trop coûteux à opérer en raison de la chute des cours. Selon Washington, cela représente déjà 1,7 million de barils par jour.
Reste que des coupes de 10 ou 15 millions de barils par jour sont considérées comme insuffisantes par de nombreuses observateurs, alors que la surproduction est estimée entre 20 et 25 millions de barils par jour.
“L’ampleur du choc de la demande est tout simplement trop importante pour une baisse coordonnée de l’offre”, notent les analystes de Goldman Sachs. “Trop peu, trop tard”, résument ceux de Citigroup.
Mais en limitant sa production l’Opep+ cherche avant tout à “laisser davantage de temps à l’économie mondiale pour se redresser”, estime Herman Wang. Ce qui pourrait permettre d’éviter la saturation des capacités de stockage. Et donc le scénario catastrophe.
Maderpost / Latribune.fr