Donald Trump a déclaré une fois de plus qu’un dollar trop cher réduisait la compétitivité des entreprises américaines, et a de nouveau accusé la Réserve fédérale (Fed) de favoriser cette situation.
DEVALUATION – Les analystes avertissent que Trump dispose d’un nombre suffisant d’instruments pour faire chuter le cours de la monnaie nationale. Quelles mesures le locataire de la Maison-Blanche serait-il prêt à prendre pour affaiblir le dollar et pourquoi le ferait-il ?
Trop cher
Cela fait longtemps que le chef de l’Etat américain exprime son mécontentement en raison du fait que la monnaie américaine est excessivement chère à ses yeux.
Il est inquiet que le cours excessif du dollar freine les exportations de produits et de services américains tout en aggravant le déficit de la balance commerciale, qui a atteint un record de 621 milliards de dollars. Si le cours du dollar baissait, il deviendrait plus bénéfique pour les acheteurs étrangers d’acquérir des produits américains, ce qui relancerait la production et réduirait le déficit commercial.
«J’ai besoin d’un dollar fort mais utile pour le pays, et non fort à tel point que nous ne pouvons pas commercer avec d’autres pays», avait expliqué le président américain au printemps.
Les responsables de la Fed ne sont pas de cet avis. Se référant à la reprise économique et, par conséquent, à l’inutilité des stimulations monétaires, la Fed a revu à la hausse son taux directeur quatre fois l’an dernier. Donald Trump avait alors critiqué le président de la Fed Jerome Powell, dans une série de tweets le proclamant pratiquement ennemi numéro 1 de l’économie américaine.
«Ils ne comprennent rien. L’euro et d’autres monnaies sont dévalués par rapport au dollar, ce qui place les USA dans une position défavorable. Le taux de la Fed est trop élevé», a-t-il écrit en juin au sujet de la Fed.
En juillet, cette dernière a enfin réduit le taux directeur de 0,25 points pour la première fois en dix ans. Mais les commentaires de Jerome Powell ont déçu les investisseurs : le président de la Fed ne promet pas d’assouplir davantage la politique monétaire.
Pendant ce temps, le dirigeant américain a fait passer la guerre commerciale contre la Chine au niveau supérieur. Il accuse Pékin de manipuler le yuan, et est convaincu que la Fed perd face aux Chinois en sapant la compétitivité des entreprises américaines.
«On pourrait croire, en tant que votre Président, que je me réjouirais d’un dollar fort. Mais je ne me réjouis pas! Le taux élevé de la Fed par rapport à d’autres pays maintient notre dollar à un niveau trop élevé. Et cela crée de grandes difficultés pour que nos excellents fabricants comme Caterpillar, Boeing, John Deere, nos constructeurs automobiles et d’autres compagnies puissent faire concurrence dans des conditions égales pour tous», a déploré Donald Trump sur Twitter.
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Les experts sont persuadés que si Donald Trump et la Fed ne trouvent pas de consensus en ce qui concerne le rythme d’assouplissement de la politique monétaire, le président américain pourrait exiger des interventions monétaires et recourir à différents moyens visant à affaiblir le dollar, notamment les plus radicaux.
Les analystes du groupe financier néerlandais ING ont décrit plusieurs scénarios envisageables, notamment une intervention monétaire directe impliquant la vente des dollars du Fonds de stabilisation des échanges (ESF) et l’achat des principales devises mondiales comme l’euro et le yen. Toutefois, indiquent les stratèges, le problème réside dans le montant de ce fonds, qui s’élève à seulement 22 milliards de dollars. L’effet pourrait donc s’avérer minimal. Or, toute intervention de plus grande ampleur nécessite l’approbation du Congrès.
D’un autre côté, note l’expert d’ING Viraj Patel, le président américain dispose d’un «bouton nucléaire» lui permettant de contourner l’aval du Congrès: Donald Trump pourrait proclamer une intervention monétaire comme étant une nécessité absolue, forçant ainsi la Fed à vendre les dollars de son compte.
Cette décision est peu plausible, mais étant donné que le Président américain a déjà décrété l’état d’urgence pour augmenter les taxes sur les produits chinois, elle n’est pas à exclure.
Si ce scénario radical se réalisait, le dollar pourrait s’effondrer, engendrant une avalanche de problèmes. Dans un premier lieu, cela ferait chuter la confiance envers la monnaie de réserve mondiale. Les banques centrales et d’autres grands investisseurs possédant des obligations américaines pour un total de 6.000 milliards de dollars commenceront à vendre ces actifs, et la situation de la dette publique et du déficit budgétaire s’aggravera fortement. Ce qui sera suivi par une grande récession.
Par ailleurs, la disposition de Donald Trump sape déjà la confiance des plus grands détenteurs d’obligations américaines. La part des étrangers sur ce marché a chuté jusqu’à 40%, soit l’indicateur le plus bas depuis 15 ans. Le plus grand créancier de l’Amérique, la Chine, vend ces actifs à cause de la guerre commerciale, et le Japon a réduit ses placements dans les obligations américaines jusqu’à leur minimum depuis 2000.
L’une des plus grandes institutions financières du pays, la Bank of America (BofA) a averti en juin que le président américain pourrait décider de dévaluer le dollar.
Dès que le Trésor en donnera l’ordre, la Federal Reserve Bank of New York entamera les interventions monétaires: elle commencera à vendre les dollars pour acheter des devises étrangères, affirment les analystes de la banque. Cela affaiblira forcément le dollar qui, selon la BofA, est surestimé actuellement de 13%.
La BofA estime que les interventions monétaires seront annoncées par Donald Trump sous le slogan de la stabilisation économique. Mais à long terme, une telle stratégie est erronée: les emprunts deviendront plus chers, alors que le statut du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale sera remis en question.