Si Theresa May pense qu’elle obtiendra un report du Brexit juste en le demandant, elle se trompe. Voilà le discours que tient Emmanuel Macron à la veille d’un conseil européen crucial qui intervient une semaine exactement avant la date officielle de sortie du Royaume Uni de l’Union européenne. Annoncée depuis deux ans suite au référendum de 2016, la date du 29 mars est en effet inscrite dans la loi britannique. Deal ou no deal, c’est en théorie jeudi prochain que l’UE se retrouvera à 27.
BREXIT – Sauf que la paralysie britannique pourrait conduire à décaler cette date. La première ministre a en effet officiellement demandé ce mercredi un report jusqu’au 30 juin, date limite qui permet de ne pas organiser d’élections européennes outre-Manche.
La France prête à user de son veto
Mais Paris ne paraît pas prêt à dire oui en fermant les yeux. “Cela n’a rien d’évident et ce n’est pas automatique”, disait il y a quelques heures une source élyséenne qui ne cache pas une forme de lassitude. Cela poserait “un grave risque juridique et politique”, a également fait savoir la Commission européenne juste avant la demande formelle de Theresa May.
A une semaine de la date fatidique, le ton monte d’un cran. Or, il faut l’unanimité des 27 pour valider un éventuel report. Si l’entourage du chef de l’État n’aime pas le mot “veto” c’est bien de cela dont dispose chaque pays, à commencer par la France qui fixe des conditions drastiques pour accorder ce report. “L’intérêt de l’Union européenne passera au dessus de tout”, prévient-on à l’Élysée où l’on refuse que Theresa May “cherche à gagner du temps pour gagner du temps”. “Ca ne suffit pas de dire ‘on veut un report car ça réglera notre crise’. La clé est à Londres”, abonde une source au Quai d’Orsay.
Il y a un scénario (peu envisageable à l’heure actuelle) dans lequel la France dira oui sans conditions à un délai. C’est ce que Nathalie Loiseau, la ministre des Affaires européennes, appelle un report technique. Si, d’ici au 29 mars les Britanniques votent l’accord de retrait agréé par les 27 à l’automne et qui est considéré comme “le seul deal possible”, sa mise en oeuvre demandera quelques jours supplémentaires; mais pas de quoi créer de problème avec le nouveau Parlement européen (élu le 26 mai) et qui entrera en fonction le 1er juillet. Seul hic, et de taille, le président du parlement britannique ne veut pas de ce nouveau vote.
Dans tous les autres cas de figure, et avant d’accorder un éventuel délai, Emmanuel Macron se posera une question: à quoi servira-t-il? “Du temps, nous n’en avons pas, mais nous pouvons nous en donner si c’est quelque chose qui le justifie. Cependant l’enjeu est tellement sérieux, il faut être clair et transparent sur les hypothèses. On ne doit pas être dans une tactique en essayant de passer des messages dans des coups de billard à plusieurs bandes”, explique-t-on. Sous-entendu, pas question de donner quelques semaines de plus à Theresa May pour régler la crise politique dans son pays, voire dans son propre camp conservateur.
Élections ou nouveau référendum?
Mais si la cheffe du gouvernement arrive avec “une nouveauté susceptible de rassembler”, la France ne dira pas non. Reste à savoir ce que peut être cette nouveauté. Officiellement, ni la Commission européenne ni Paris ne veut donner d’exemple mais un scénario est déjà dans toutes les têtes. “On ne peut pas rester indéfiniment dans l’incertitude avec une question du Brexit qui sur-occupe le débat européen. Mais franchement, si elle arrive en disant ‘je vais organiser des élections ou un nouveau référendum’, je ne vois pas comment on pourrait dire non à un délai”, estime l’Élysée qui plaidera alors dans ce cas “pour un délai le plus court possible”. Dans l’idéal, il ne faudrait pas qu’il excède la fin de l’année 2019.
Or, dans son courrier adressé au président du Conseil européen, Theresa May ne semble pas apporter beaucoup de garanties sur le fait que sa proposition permettra un vote favorable dans son parlement d’ici au 30 juin.
Tout cela reste cependant de la théorie et des discours tenus avant que les dirigeants des 28 s’enferment jeudi et vendredi à huis clos dans la salle du conseil européen où tout est toujours possible.
Officiellement tout le monde se prépare à l’absence d’accord et donc à une sortie avec un no deal le 29 mars. Et comme on dit à Bruxelles, “the clock is ticking” (l’horloge tourne). Sauf qu’à Bruxelles mieux qu’ailleurs, on sait tout ce qui peut advenir en sept jours. “Nous devrons probablement nous voir de nouveau la semaine prochaine”, fait déjà savoir Jean-Claude Juncker le président de la Commission européenne.
Source : WikiStrike