Dans une lettre datée du lundi 8 avril, le président de la République appelle les agents de l’État « à incarner pleinement les principes de ‘Jub, Jubal, Jubanti’». À ses«chères collaboratrices, chers collaborateurs», Monsieur Bassirou Diomaye Faye demande «que la droiture, la probité et l’exemplarité commandent chacun de [leurs] actes et que [leur] travail quotidien soit imprégné de ce souci permanent du bien commun, où le service à nos concitoyens et leur bien-être priment sur toute autre considération».
CONTRIBUTION – Ces préceptes constituent le socle des actions et décisions du chef de l’État. Ils forment le fil rouge de sa profession de foi politique.
Le savoir-faire de nos fonctionnaires est globalement reconnu. Mais ces derniers évoluent dans un environnement professionnel gangréné. Un grand corps malade dont les maux ont pour noms effectifs pléthoriques, absentéisme et retards chroniques, accueil désinvolte, lenteurs interminables, paperasse superflue, corruption décomplexée, clientélisme politique, gabegie outrancière…
Un système, mille fonctions
Pour gommer ces tares et ainsi s’arrimer au message présidentiel, plusieurs mesures sont envisagées. Les nouvelles autorités promettent de rendre transparentes et de digitaliser autant que possible les procédures administratives, de délocaliser davantage les établissements publics stratégiques, d’instaurer le culte du résultat à tous les étages, d’améliorer l’accueil réservé aux usagers du service public, de rendre plus objectifs et justes les critères de recrutement des agents…
Mais toutes ces mesures produiront peu d’effets si l’équation des absences et retards n’est pas en amont résolue. Le pouvoir du Président Bassirou Diomaye Faye ne s’y trompe pas, il prévoit de prendre le taureau par les cornes, notamment, par la modernisation et la généralisation du système de gestion du temps et des présences dans la Fonction publique.
La perspective est prometteuse. Dans les reportages consacrés au sujet ces derniers jours par les médias, elle suscite l’enthousiasme des Sénégalais. Les plus optimistes y voient l’épitaphe des anachronismes qui plombent l’efficacité de l’administration publique et écornent son image. Une belle promesse de redonner au service public ses lettres de noblesse.
Le dispositif est sommairement désigné «système de pointage». Il est souvent réduit à sa plus simple expression : un outil de mesure du temps de travail. Mais qu’il soit mécanique ou biométrique, il remplit des fonctions beaucoup plus étendues. Associé à un logiciel de gestion centralisée des ressources humaines, il permet aussi de gérer les plannings, les heures supplémentaires, les congés, les sessions de formation, les notes de frais ainsi que la paie.
Avec ce dispositif, il n’est plus possible pour un travailleur de badger pour ses collègues ou de s’octroyer frauduleusement des heures de travail. Et le suivi de l’évolution des carrières et des compétences est automatisé, plus fiable.
Autre avantage : dans un monde post-Covid-19, où les entreprises recourent de plus en plus au télétravail et où certains gestes barrières sont demeurés des réflexes, le pointage moderne offre la possibilité de badger, d’une part, à distance via différents périphériques tel le téléphone mobile et, d’autre part, sans contact par le biais de terminaux biométriques et à reconnaissance faciale.
De plus, en cas d’incendie ou d’autres catastrophes sur un lieu de travail, il facilite l’organisation des secours…La liste des bienfaits du système n’est pas exhaustive.
Protection des données personnelles
Malgré tout, le pointage provoque parfois des réticences et des résistances légitimes. Les plus soupçonneux l’assimilent à un moyen de flicage des travailleurs, au mépris de la préservation de leur vie privée. Mais, c’est oublier que la Commission de protection des données personnelles (CDP) veille au grain pour le respect de la loi (n°2008-12 du 25 janvier 2008) encadrant son utilisation.
En son article premier, ledit texte «garantit que tout traitement [de données personnelles], sous quelque forme que ce soit, respecte les libertés et droits fondamentaux des personnes physiques», «veille à ce que les Technologies de l’information et de la communication (TIC) ne portent pas atteinte aux libertés individuelles ou publiques, notamment à la vie privée». L’article 2 précise que sont soumis à cette loi «toute collecte, tout traitement, toute transmission, tout stockage et toute utilisation des données à caractère personnel par une personne physique, par l’État, les collectivités locales, les personnes morales de droit public ou de droit privé…».
Ces dispositions légales sont prises en compte par les entreprises spécialisées dès l’installation du dispositif. Mieux, celles-ci recommandent à leurs clients d’y veiller scrupuleusement à leur tour.
Le pointage n’est pas une nouveauté dans l’administration publique sénégalaise. Le système est déjà installé à la présidence de la République, au Trésor public, à la Direction générale des impôts et domaines (DGID), à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (IPRES), à la mairie de Ziguinchor… L’hôpital Albert Royer a activé son dispositif la semaine dernière tandis que l’hôpital Roi Baudoin de Guédiawaye prévoit d’acquérir le sien bientôt.
Le système a été mis en place au niveau de ces établissements publics par des entreprises sénégalaises à l’expertise et à la crédibilité reconnues. Les sociétés pionnières affichent 30 à 40 ans d’expérience au compteur. Elles opèrent dans plusieurs pays africains et comptent parmi leurs clients des institutions de référence comme la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), l’opérateur de téléphonie Orange, plusieurs grandes banques commerciales et de nombreuses agences du système des Nations unies.
Avec de tels état de services, ces entreprises locales devraient pouvoir mener à bon port le projet de généralisation du dispositif au niveau de l’administration publique, suivant un cahier des charges intégrant la formation des agents à l’utilisation du système, la maintenance, le dépannage et le traitement des données collectées, entre autres points essentiels.
Passée l’étape de la diffusion à grande échelle des principes édictés par le chef de l’État dans sa lettre, point celle de leur implémentation dans la durée et à l’échelle de l’ensemble de l’administration publique centrale comme déconcentrée. Pour ce qui concerne spécifiquement la lutte contre les retards et absences, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme du Service public a donné le ton au niveau de son département. À son arrivée sur les lieux, mardi 16 avril, tôt le matin, Monsieur Olivier Boucal a posé son pouce sur le terminal de pointage pour enregistrer son heure d’arrivée. Tout un symbole.
Maderpost / Seneweb