Le drame qui s’est produit à Khar Yallah dans la nuit du 29 janvier 2024 faisant présentement 7 morts et 12 blessés, remet à jour le gout amer d’une énième catastrophe d’effondrement de bâtiment à Dakar.
EFFONDREMENT D’IMMEUBLES – Angoisse, chagrin, peur, pleure tels ont été les sentiments les mieux partagés hier à Khar Yallah non loin du rond-point liberté 6. Sapeur-pompier, policier usager, voisin avaient inondé la rue.
Sur le lieu du drame
L’effondrement d’un bâtiment R+3 a laissé une foule abasourdi, des visages peints de tristesse, des cœurs anéantis à jamais.
Ce sort tragique s’est abattu sur le quartier dans la soirée du 29 janvier 2024 juste après le match entre le Sénégal et la côte d’ivoire en huitièmes de finale de la coupe d’Afrique des nations.
“On a été alerté à 1h 00 du matin à 1h 06, les premiers engins se sont présentés. La situation à l’arrivée c’était l’effondrement d’un bâtiment en cours de réhabilitation. Le bilan établit à 13h a indiqué 17 victimes dont 12 blessés au total, 11 évacués vers les structures sanitaires, une prise en charge sur place et 5 corps sans vie” a déclaré Marcelle Dione Commandant du groupement d’incendie et de secours n°1 de Dakar.
D’une voix terrifiante et pressente, un policier s’approchait de la foule avant de l’interroger.
“Où est la famille de Nafissatou”
“Elle est où sa famille” ?
Originaire de la Casamance, Nafissatou qui selon les témoignages d’un voisin était une transitaire très serviable n’a pas pû être sauvé malheureusement.
De l’autre côté de la chaussée en face du bâtiment s’était érigée une foule immense déterminée à nourrir leur curiosité.
Si certains étaient présents sur les lieux pour compatir et porter assistance face à ce sort funeste, d’autres épiloguaient et enfonçaient les victimes dans la Culpabilité.
Témoignages
“En tant que voisin je suis parti prêter main forte aux victimex. On était vers 2h du matin lorsque j’ai vu les secouristes sortir des décombres le corps d’une femme “
“Par la suite, une femme qui ne pouvait retenir ses larmes regardant son fils d’à peu près 17ans gravement blessé au pied. Sous mes yeux, je les ai vu sortir une femme et son bébé vivant à qui j’ai aidé à ramasser les couches” a confié un voisin qui répond au nom de Mohamed.
En outre, la maison serait habitée par des locataires qui avec le match réunissait des amis pour partager des moments d’échanges.
“C’est dans cette maison qu’on suivait le match avant l’effondrement et c’est d’ailleurs là où on a l’habitude de le suivre. Dans cette maison régnait la complicité de gens de tous bords : Sénégalais Congolais, Gabonais. Parmi les sénégalais décédés que j’ai reconnu il y a Aliou, Ameth, Nafissatou Mbadiane” a témoigné avec désolation Lamine Mané.
“D’après ce que j’avais entendu de la part des voisins dans le passé, le propriétaire de la maison avait alerté les locataires sur l’état de la maison afin de reconstruire le bâtiment Mais, ces derniers lui auraient demandé d’y rester encore quelques temps par crainte de ne pas avoir un ailleurs où habiter.
A la suite de cela, le propriétaire a discuté avec un maçon pour réfectionner la maison” ajoute-t-il.
D’un autre côté Mohamed déplore la réaction du propriétaire tout en interpellant les autorités :
“Si c’était moi, j’allais leur dire de vider les lieux sans sentiments, s’ils refusent, je fais intervenir l’Etat. Cela aurait épargné la vie de ces victimes.
Il faut que l’on tienne compte de l’urgence de la question des effondrements, évaluer les maisons en mauvais état.
Il ne faut pas attendre jusqu’à ce qu’il soit tard pour réagir” s’est-il indigné.
Les raisons de l’effondrement
En déplacement sur le lieu, le directeur général de la Construction et de l’Habitat, Amadou Thiam est revenu sur les raisons de cet effondrement.
« Le propriétaire ayant identifié que le bâtiment présentait un certain nombre de fissures, il a décidé de faire des renforcements de la structure. Malheureusement, les personnes qu’il a prises ont commencé par entamer les fondations en se disant qu’en mettant juste des étés, des bouts de fer, ils pouvaient tenir tout le bâtiment pendant qu’il coupait les fondations. Ces travaux ont été réalisés par des ouvriers non qualifiés »
« Le dossier va être traité par la justice, parce qu’il y a eu mort d’homme. Le ministère a fait passer récemment le nouveau Code de la construction qui a apporté un certain nombre d’innovations pour davantage protéger les populations, mais aussi protéger l’investissement des personnes qui construisent », a-t-il indiqué.
Une kyrielle de mesures qui peinent à être appliquées
Pourtant, cette catastrophe n’est pas la première à remettre en cause la gestion des bâtiments et édifices menaçant ruine au Sénégal.
La brigade nationale des sapeurs-pompiers (BNSP) note une hausse des victimes entre 2021 et 2022 pour la période allant de janvier au 11 août. Elles sont passées de 48 à 75.
En effet, selon un rapport établi par les gouverneurs, le 21octobre 2021 présenté par Cheikh Sadibou Diop le représentant du ministre de l’intérieur Antoine Félix Dione à la cérémonie de restitution du rapport sur la problématique des effondrements de bâtiments au Sénégal,1446 de bâtiments menaçant ruine avaient été recensés dont les 627 dans la région de Dakar. Selon Seneweb, à ce jour près de 1 200 bâtiments menaçant ruine ont déjà été recensés à Dakar.
“il y a nécessité de renforcer le contrôle et de réviser notre arsenal juridique. Par ailleurs, le ministère a pris des mesures allant jusqu’à l’évacuation des habitants des logements. Des arrêtés seront pris pour la fermeture des bâtiments et ou leur démolition. Sans oublier le relogement des occupants de ces bâtiments effondrés…” avait indiqué M. Diop.
Par ailleurs, le président Macky Sall, en Conseil des ministres du 23 novembre 2022, avait donné l’ordre au « ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique d’engager, en relation avec le ministre de l’Intérieur et le ministre auprès du ministre de l’Intérieur chargé de la Sécurité de Proximité et de la Protection civile, l’exécution d’un Plan national de mise aux normes des bâtiments et édifices, conformément aux Codes de l’Urbanisme et de la Construction, et au dispositif de protection civile ».
Le chef de l’Etat avait également demandé au ministre de l’Intérieur et au ministre chargé des Collectivités territoriales, «de veiller, en rapport avec les Autorités administratives déconcentrées et les maires, au recensement consensuel et à la démolition concertée des bâtiments menaçant ruine ».
Entre l’insouciance des habitants vivant dans ces maisons susceptibles d’effondrement et l’Etat avec son lot de mesures et de promesses sans aboutissement, on est encore loin d’entrevoir le bout du tunnel dans ce combat mortifère.
A qui la responsabilité ?
L’Etat, pour la non-application des mesures de précautions, la direction de la protection des civils, pour ses lenteurs procédurales, les maires, pour leur laxisme par moment, propriétaires d’immeubles, pour leurs cupidités et avidités à la pécule, résidents pour leur opportunisme et tendance à la facilité et riverains, pour leur désintéressement, les responsabilités sont partagées.
A défaut de détenir les pouvoirs d’actions, la dénonciation, la sensibilisation et l’esprit de citoyenneté sont des moyens de lutte à la portée de tout citoyen.
En attendant que chacun assume la sienne devant Dieu et les hommes, les familles des victimes font leurs deuils et pleurent les morts.
Maderpost / Sokhna Gnima Stagiaire