La décision de la Confédération africaine de football (CAF) de retirer l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025 à la Guinée peut et doit être saisie par le Sénégal qui tient là une belle occasion d’atteindre d’un tir plusieurs buts de son projet d’émergence s’il fait du Qatar un partenaire stratégique pour la réalisation de ses projets aux effets structurants sur le territoire et pour Sénégal 2025.
CAN 2025 – La décision est tombée, ne surprenant personne en vérité, tant tout indiquait que la messe était dite et que le Sud-Africain Patrice Motsepe, président de l’instance confédérale n’attendait qu’une faute guinéenne pour rectifier le tir. Le colonel Mamadi Doumbouya, homme fort de la Guinée lui donnera l’occasion en refusant net de différer la CAN en 2026. Tant pis pour la Guinée, tant mieux pour le prochain organisateur et certainement plus pour le Sénégal, s’il décidait d’entrer dans la danse en conjuguant la CAN 2025 avec ses projets d’émergence qui peuvent effectivement être boostés et, par voie de conséquence, accélérer le processus de développement.
De notre point de vue, ce ne sont pas les opportunités qui manquent ainsi que les moyens de frapper un grand coup. Mais pour ce faire, il faudra que le Sénégal apporte un soutien diplomatique au Qatar qui passe actuellement une mauvaise passe internationale. En retour, le Qatar soutiendrait le Sénégal dans l’organisation de la CAN 2025 ainsi que ses projets d’émergence. Il s’agit pour nous d’un clin d’œil politique qui raffermirait davantage la coopération bilatérale voire faire du Sénégal une tête de pont du Qatar en Afrique.
Soutenir le Qatar et son Mondial
Soutenir ouvertement le Qatar au moment où des anciens footballeurs et voix autorisées occidentales invitent au boycott de la 22ème édition au Qatar serait fort bien apprécié au Qatar au bénéfice du Sénégal. Ne serait-il pas impertinent de pousser plus loin la réflexion !
Pris à partie par des places fortes du football qui trouvent que la FIFA a posé un « problème de conscience à ses passionnés » qui vont devoir suivre pour la première fois de l’histoire de la Coupe du monde un tournoi disputé en novembre et décembre (18/11 au 20/12) « afin d’échapper aux températures estivales extrêmes de l’Émirat », le Qatar, pays « sans tradition footballistique » qui a vu tomber sur lui une pluie de procédures judiciaires internationales pour… corruption, est d’autant plus pointé du doigt que le bilan macabre des chantiers parle de 1000 morts pour la construction de sept nouveaux stades climatisés de 40 000 et 80 000 places « dans une agglomération de 800 000 âmes ». Stades dont certains démontables que beaucoup redoutent de voir vides au Mondial qatari.
Esseulé, le Qatar attend le soutien de « pays amis » dont le Sénégal qui sera sur ses terres pour justement y disputer le Mondial dans le groupe A avec les Pays-Bas, l’Équateur et le pays hôte. Reste à voir comment le Sénégal pourra manifester son soutien et quelle en sera la matérialisation. C’est une question d’intérêt qui demande une prise de position affirmée à l’international, ayant bien entendu des avantages et des inconvénients. Mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Face au totem du boycott exprimé par beaucoup de places, le Sénégal doit dire sa solidarité au Qatar.
Les avantages se situent à plusieurs niveaux. Des stades démontables aux finances en passant par l’érection de nouveaux pôles de croissance. Ce ne sont ni les opportunités qui ne manquent ni des réponses aux demandes.
Bénéficier des stades démontables
Construire 7 nouveaux stades dont certains démontables dans un pays de 11 586 km² avec une population d’à peine 2 450 000 habitants n’ayant pas une tradition footballistique comme le soutient-on un peu partout, est une aubaine pour tous ceux qui liront entre les lignes l’offre mirobolante de ce pays riche. Ce n’est pas demain la veille que ces stades seront remplis tous les vendredis au Qatar et ce n’est pas aussi impossible qu’ils n’aient été construits que dans le cadre d’une communication séquentielle de l’Emirat.
A moins que leur construction ouvre de nouvelles perspectives au monde proche des valeurs qataries, voire de l’Islam. Ce qui voudrait dire que Qatar préparerait l’après pétrole en se projetant dans une prospective sportive et touristique haut de gamme. Mais tel pourrait ne pas être le cas, et cela est à savoir.
Bénéficier des stades démontables qataris serait bien plus rapide que d’en construire par exemple à Saint-Louis, destination prochaine de plusieurs spécialistes du pétrole, banquiers, assureurs, travailleurs et autres entrepreneurs, ou encore Kaolack (première région à avoir abrité un match international en 1975), centre du pays dans l’attente de l’achèvement de l’autoroute à péage, ou encore Ziguinchor et ses promesses touristiques. Cet axe Nord-Centre-Sud constituant la colonne vertébrale du football sénégalais s’avère par ailleurs la pierre angulaire d’un développement axial à grand rendement national. Dans la mesure où ces stades ne constituent pas les seuls objets de la demande sénégalaise au Qatar. Ils intègrent un projet global allant de l’organisation de la CAN 2025 à l’émergence accélérée.
Les autoroutes, hôtels, ponts aériens et hôpitaux de la CAN 2025
Installer des groupes de la CAN 2025 à Saint-Louis, Kaolack et Ziguinchor, c’est accélérer, avec le soutien du Qatar, la réalisation des infrastructures routières (Dakar- Saint-Louis, Dakar-Kaolack), accroitre les recettes au péage, augmenter l’assiette fiscale et les investissements publics. En plus des autoroutes de la CAN 2025, les corridors aériens peuvent être mis à profit par AIR SENEGAL dans le cadre d’un partenariat avec QATAR AIRWAYS pour la destination ziguinchoroise, voire au-delà (Qatar Airways dessert 160 destinations dans le monde avec Doha comme hub, la pointe occidentale africaine serait une réelle opportunité). Le partenariat aérien est d’autant plus intéressant qu’il desservirait à des prix compétitifs la sous-région et assurerait plus rapidement les accès aux réceptifs hôteliers sur lesquels est aussi attendu le Qatar, voire les Turcs, dans le cadre de la construction d’hôtels 3 ou 4 étoiles avec un potentiel de 500 lits par unité ville, soit en deux ans la création de 2000 lits pour le tourisme sénégalais.
L’organisation de la CAN 2025 avec de telles infrastructures routières, aéroportuaires, hôtelières offrirait au Sénégal une belle carte d’accueil et de visite quand bien même il appartiendrait au génie créateur local des trois régions d’offrir des contenus culturels de belle facture, prisée par la demande africaine, voire internationale.
A ces infrastructures, s’ajoutent celles hospitalières, à Saint-Louis, Kaolack et Ziguinchor. Comme pour les précédentes réalisations, il est attendu du partenaire qatari qu’il finance ces hôpitaux de stade 3 voire 4. La construction ou le réaménagement de plateaux médicaux dans ces trois régions aura un impact dans l’immédiat et constituera à terme des offres pour le tourisme médical régional.
Enfin, faire de Dakar une métropole internationale
Bénéficiant d’infrastructures routières, ferroviaires, sportives de haut vol, de dispositifs sanitaires, d’unités de secours, de réceptifs hôteliers, etc., Dakar, au même titre que les autres régions, pourrait profiter de la CAN 2025 pour exécuter à pas de charge les orientations contenues dans le Plan national d’aménagement et de Développement territorial (PNAD, horizon 2035) pour s’ériger enfin en métropole internationale.
Le processus s’accélérerait au grand bénéfice de Pikine pour lequel un Plan spécial d’aménagement et de Développement a été décliné. Faut-il rappeler que le Président Macky Sall avait instruit au ministre chargé des Collectivités territoriales, le 9 mars 2022 lors du Conseil des ministres, de lui proposer dans les meilleurs délais ledit plan pour le département de Pikine.
On peut en dire de même pour Keur Massar, dernier département érigé en date et pour le Plan d’urgence de modernisation de l’Arrondissement Dakar-Plateau (PUMA/DP). Guédiawaye et sa belle plage ne sera pas en reste tout comme le Central Business District (CBD) de Dakar qu’il est question de déplacer pour un désengorgement de la capitale. Ce qui passera par la fonctionnalité urbaine essentielle, c’est-à-dire les infrastructures de transports TER et du BRT en cours de matérialisation, mais aussi des unités de sécurité et de secours (commissariats et casernes sapeurs-pompiers).
En d’autres termes, il s’agira de renforcer l’attractivité du Triangle Dakar-Thiès-Mbour dont l’une des ressources territoriales majeures (créée) est l’aéroport international Blaise Diagne de Diass.
Le même modèle sera reproduit court terme à Saint-Louis, Kaolack, Ziguinchor avant de se généraliser dans les régions et villes à forte densité humaine, demande sociale et donc offre économique. Pour finir, il peut aussi être attendu du Qatar un soutien financier consistant à l’appui à l’émergence.
Pour autant, le Senegal devra élevé la barre pour se hisser au niveau des standards internationaux afin de réussir le pari de l’organisation dans un climat social apaisé du fait de la satisfaction de la demande des demandes populaires, de la vitalité renouvelée de sa démocratie et dans un environnement en phase avec les aménagements dignes des métropoles internationales.
Les Etats n’ont pas d’amis mais seulement des intérêts, à nous de défendre les nôtres au bénéfice de notre développement.
Maderpost / Charles Faye et Libasse Ka