Hors service à cause de la guerre en Ukraine, les gazoducs Nord Stream reliant la Russie à l’Allemagne sous la mer Baltique ont été touchés par des fuites spectaculaires précédées d’explosions sous-marines. L’Union européenne met en garde, mercredi 28 septembre, contre toute attaque ciblant ses infrastructures énergétiques.
UNION EUROPEENNE – « Toute perturbation délibérée des infrastructures énergétiques européennes est totalement inacceptable et fera l’objet d’une réponse vigoureuse et unie », affirme le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. Et d’ajouter : « Toutes les informations disponibles indiquent que les fuites sont le résultat d’un acte délibéré. » C’est une mise en garde très nette du Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, pour qui les incidents en mer Baltique ne sont pas le résultat d’une coïncidence.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait déjà évoqué mardi soir « un acte de sabotage » après s’être entretenue avec la Première ministre danoise, Mette Frederiksen. « Il est primordial d’enquêter sur les incidents et de faire toute la lumière sur les événements. […] Toute perturbation délibérée de l’infrastructure énergétique européenne active est inacceptable et entraînera la réponse la plus ferme possible », a ajouté Ursula von der Leyen. Peu avant, la Première ministre danoise avait déclaré que « l’avis clair des autorités est qu’il s’agit d’actes délibérés. On ne parle pas d’un accident ».
« Des détonations ont eu lieu et il s’agit probablement de sabotage », a renchéri la Première ministre suédoise démissionnaire, Magdalena Andersson, qui assure les affaires courantes après des élections perdues le 11 septembre.
Bouillonnements
Les trois grandes fuites identifiées depuis lundi au large de l’île danoise de Bornholm, entre le sud de la Suède et la Pologne, sont visibles à la surface avec des bouillonnements allant de 200 mètres jusqu’à un kilomètre de diamètre, a annoncé mardi l’armée danoise, images à l’appui. Le gazoduc Nord Stream 2 avait subi une forte chute de pression lundi, suivi quelques heures plus tard de Nord Stream 1, dont il suit le tracé sous la Baltique.
Comme le Danemark, la Suède n’y voit pas un acte d’agression contre elle, les incidents ayant eu lieu en dehors des eaux territoriales, dans les zones économiques exclusives. Le Danemark a tout de même placé ses infrastructures énergétiques en état d’alerte orange. Pour sa part, la Norvège, désormais le principal fournisseur de gaz de l’Europe, a demandé une vigilance accrue à tous les exploitants d’hydrocarbures en mer du Nord et dans les terminaux côtiers.
Des regards tournés vers Moscou
À Kiev, le conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak a dénoncé « une attaque terroriste planifiée » par Moscou, sans avancer de preuves.
Le Premier ministre polonais a également suggéré une implication russe. « Nous voyons clairement que c’est un acte de sabotage, qui marque probablement la prochaine étape de l’escalade de la situation en Ukraine », a déclaré Mateusz Morawiecki, qui inaugurait justement mardi un gazoduc reliant la Norvège à la Pologne.
Le Kremlin, vers qui se sont donc tournés nombre de regards, a jugé, par la voix de son porte-parole Dmitri Peskov, « prévisible, stupide et absurde » que la Russie soit suspectée, affirmant que les fuites touchant Nord Stream 1 et 2 étaient « problématiques » pour Moscou, car le gaz russe qui s’en échappe « coûte très cher ».
La diplomatie russe pointe du doigt les États-Unis et exige même que le président Joe Biden s’explique sur les fuites. « Le président américain est obligé de répondre à la question de savoir si les États-Unis ont mis à exécution leur menace », a lancé sur Telegram la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. Elle fait référence à une déclaration de Joe Biden, début février, qui assurait que Washington « mettrait fin » à Nord Stream 2 si Moscou intervenait militairement en Ukraine.
Pas d’inspection possible avant une ou deux semaines
Côté américain, Washington, après s’être refusé à « confirmer » un acte de sabotage, a dit examiner des informations selon lesquelles les fuites sont « le résultat d’une attaque ou d’une sorte de sabotage ». « Si c’est confirmé, ce n’est clairement dans l’intérêt de personne », a déclaré le secrétaire d’État, Antony Blinken devant la presse.
Cette crise énergétique est une crise pétrolière, gazière et électrique. Elle a été aggravée par la Russie, certes. Mais elle a été créée par notre politique énergétique ou plutôt l’inconséquence de notre politique énergétique depuis les dix dernières années.
En raison des vastes bouillonnements, « cela peut facilement prendre une semaine ou deux avant que la zone soit suffisamment calme pour simplement voir ce qui s’est passé », a affirmé le ministre danois de la Défense, Morten Bødskov, aux médias danois en marge d’une rencontre avec le secrétaire général de l’Otan à Bruxelles. « C’est une très grosse explosion qui s’est produite, et il faudra donc du temps avant que nous puissions y descendre », a-t-il ajouté, sachant que les gazoducs sont situés à environ 80 mètres de profondeur.
Maderpost / Afp