La course effrénée pour la succession du président Macky Sall en 2024 au fauteuil présidentiel est lancée. Les déclarations de candidatures foisonnent de partout. Les analystes politiques Ibrahima Bakhoum et Mamadou Sy Albert décryptent les enjeux.
PRESIDENTIELLE 2024 – L’annonce du Président Macky Sall de ne pas se représenter à la prochaine élection présidentielle prévue en février 2024 a ouvert le bal de sa succession aussi bien du camp du pouvoir que celui de l’opposition.
En effet, à l’heure actuelle, on dénombre près de 40 déclarations de candidature (36) en attendant celui ou ceux de la coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby). Une situation qui risque d’engendrer une mauvaise lecture du paysage politique.
Selon Ibrahima Bakhoum, ce phénomène est compréhensible. Il précise que la déclaration de candidature est une chose, la candidature en est une autre. “Nous sommes en démocratie électoraliste. Il est loisible à chacun qui le désire d’être candidat”, rappelle le journaliste-formateur et analyste politique.
Une analyse que partage son homologue Mamadou Sy Albert qui trouve “naturelle” une telle situation : “la candidature est libre ouverte à tous les prétendants. C’est des ambitions qui s’expriment. Le nombre peut déranger parfois, c’est un peu trop.”
Ce qui est probable c’est que certains vont désister, assurent les deux analystes politiques. “On est en phase de candidature à une candidature. Le dépôt va être un premier filtre. Il y’ a la caution et elle n’est pas donnée. Mais la multiplicité des candidats a plus d’inconvénients que d’avantages aussi bien pour les candidats que pour l’opinion”, souligne M. Sy Albert.
Ibrahim Bakhoum est aussi du même avis. Selon le journaliste, “y’en a qui déclarent leurs candidatures maintenant pour occuper l’espace public et prendre date. C’est le cas de ces candidats déclarés et qui vont opter pour le désistement au dernier virage pour rallier tel ou tel autre candidat. C’est comme ça que certains vont chercher à se positionner et au moment du partage du gâteau ils vont prendre leur part. Evidemment ce n’est pas la meilleure chose pour la démocratie”.
Toutefois, les deux analystes ne s’accordent pas sur les causes de ces désistements. Mamadou Sy Albert pense que le parrainage n’est pas bon : “ce n’est pas le principe de parrainage qui doit être en jeu mais plutôt le principe de représentativité”.
A son avis, le débat se situe au niveau des candidats qui n’ont pas de représentation au niveau national. “Il ne faut pas banaliser la fonction présidentielle. C’est une question capitale pour l’organisation de notre société.”
De son côté, Ibrahima Bakhoum soutient qu’il ’aura toujours des gens qui trouveront le montant de la caution peu importe l’origine de cet argent. “L’argent vient de partout pour financer les candidats qu’ils soient des indépendants ou des partis politiques organisés, le pouvoir. Ces financements extérieurs posent problème. Ce qui fait que la caution ne peut plus constituer un frein. Idem pour le parrainage.
Cependant, au regard de la foultitude de candidats qui se profile, le journaliste analyste politique propose le bulletin unique : “Si on fait le bulletin unique, tout le monde est imprimé de la même façon” cela rendrait le vote plus facile. Là encore M. Bakhoum exige que “la qualité de l’impression soit irréprochable”.
Quid des conséquences de cette multiplicité des déclarations de candidature au sein de Yewwi Askan Wi, M. Bakhoum estime que “c’était déjà prévisible et ils (responsables de la coalition Ndlr) l’avaient dit lors de la constitution de la coalition et de l‘inter-coalition Yewwi-Wallu que “passées les législatives chaque parti est libre d’aligner qui il veut à la présidentielle de 2024. Maintenant ce qui serait extraordinaire et surprenant c’est que dans Taxawu il puisse avoir deux candidats, dans Pastef qu’il puisse y voir deux candidats etc”.
Cette foultitude de candidats n’arrange aucun parti même s’il y aura toujours un premier. Il serait très difficile de voir un candidat passer au premier tour.
Par contre au second tour, le jeu de ralliement déterminera certainement le candidat vainqueur, soutiennent nos deux analystes.
Quant à l’avenir de Bby, Mamadou Sy Albert n’écarte pas une “implosion si jamais le choix de Macky Sall n’est pas consensuel il y aura des scissions. Le président Sall a toute la responsabilité s’il déçoit ses collaborateurs.”
Ibrahima Bakhoum reste persuadé que cette coalition n’existe que de nom. “Benno a éclaté depuis longtemps mais il reste quatre noms : (l’Afp, ce qui reste du Ps avec Aminata Mbengue Ndiaye, le Pit et la Ld en plus de l’Apr qui n’est jamais allé à des élections sous sa propre bannière. Evidemment que son leader tire et c’est lui qui donne de la lumière Ces partis-là ne représentent plus rien. “Toutes les coalitions durent mais celle de Bby l’est parce qu’elle avait combattu Abdoulaye Wade et qu’il n’est pas question de le laisser revenir quid à aller s’effacer ou se faire oublier dans Bby.”
Néanmoins, le journaliste analyste politique n’écarte pas que certains qui sont aujourd’hui dans l’opposition déclarée peuvent parfaitement voter pour le candidat Bby parce qu’ils y trouveraient plus en termes de proximité ou d’avantages.
A l‘heure actuelle il est difficile de parler de favori certains sondages placent Ousmane Sonko devant mais un sondage c’est une perception. Evidemment dans les rues les gens peuvent avoir la perception qu’un tel est puissant. Mais c’est différent de la réalité électorale, prévient M. Bakhoum.
A moins de huit mois de ces joutes électorales, le paysage politique du Sénégal baigne dans un brouillard. Les tractations vont bon train à mesure que l’horizon se profile. Pour une fois, les sénégalais vont devoir élire sans la participation du président sortant. Les profils et programmes seront certainement à l’honneur.
Maderpost / Mamadou Ba